Blessure et Douleur sont-elles liées ?
En thérapie physique deux variables clef mesurent le degré de réhabilitation : la diminution de la douleur et la régénération de la structure lésée. La douleur est un paramètre qualitatif habituellement mesurée sur une échelle de 1 à 10 (10 étant la douleur maximale possible), tandis que la régénération s’évalue par les examens (RX, IRM etc). Ces examens permettent de voir, par exemple, que la plupart des hernies se désagrègent au bout de quelques années car soit elles se détachent, soit elles sont dissoutes dans le sang. De même les ligaments augmentent de volume avec l’exercice et les lésions se réparent avec le temps.
Douleur et lésion ne sont corrélées qu’au début (juste après la blessure) ou elles manifestent un pic. Par la suite elles évolueront chacune de façon dissemblable.
Pour autant que l’on ne surcharge pas excessivement la zone blessée, la régénération sera une courbe ascendante entrecoupée de paliers, tandis que la douleur décrira une sinusoïde descendante, composée de rémissions et de rechutes importantes parfois déclenchées par un effort, d’autre fois sans causes précises.
Arrêt des Douleurs ≠ Guérison de la Blessure
Lors d’une entorse de cheville il arrive qu’après trois semaines les douleurs disparaissent, néanmoins il faut plus de temps (minimum 6 semaines) au ligament pour se reconstituer, dans d’autre cas (mal de dos par exemple) il est possible que la blessure initiale soit guérie depuis des années mais qu’une douleur subsiste et se manifeste de façon aiguë lors de mouvements similaires à celui qui a provoqué la blessure. Ces épisodes douloureux sont perçus comme une aggravation de la lésion alors qu’ils ne sont qu’une réactivation de la boucle nociceptive en l’absence de cause. Par conséquent il n’y a pas lieu de s’alarmer et de développer une phobie du mouvement quand on est confronté à ce type de douleur.
La priorité du patient est de soulager sa douleur le plus vite possible , cependant l’objectif du (bon) thérapeute est autre. S’il respecte son patient il doit se soucier de sa récupération optimale même si cela implique d’augmenter temporairement ses souffrances. No pain no gain : la thérapie n’est pas du nursing, elle ne doit pas être une torture non plus mais ce n’est en aucun cas c’est un long fleuve tranquille. C’est d’ailleurs logique que si on a abusé de son corps pendant des années on ne puisse pas être guérit en une séance et tous ceux qui vous l’affirment sont des charlatans.
Malheureusement la recherche de la facilité fait que beaucoup de patients se tournent en premier vers des solutions à court terme (manipulations, massages, antidouleurs, injections) pour réaliser des années après qu’ils n’ont récupéré ni la mobilité ni la force qu’ils avaient avant le traumatisme et que de plus leur douleurs sont devenues chroniques, les soignants surprotecteurs et aux croyances pseudo scientifiques ont évidemment leur part de responsabilité dans ce phénomène.
Contrairement au massage, l’exercice thérapeutique n’a pas d’effet antidouleur immédiat. Ce que le patient doit comprendre c’est qu’il doit continuer son programme d’exercices de façon stoïque malgré l’absence de soulagement.
Dans la gestion de la blessure, quand la douleur doit-elle nous faire recalibrer la rééducation ?
Si pendant sa réalisation un exercice provoque une douleur modérée ce n’est pas en soi alarmant. Tant que le patient n’est pas PIRE ou MIEUX après sa séance il doit persévérer. S’il n’est pas PIRE ça signifie que l’exercice n’aggrave manifestement pas sa condition, donc qu’il n’est pas contre-indiqué et s’il ne va pas MIEUX ce n’est pas non plus une raison d’abandonner car le mieux n’est pas garanti au court terme, il se manifestera nécessairement plus tard, d’où la nécessité d’être patient volontaire et positif. Le seul cas ou l’exercice doit être remis en question c’est quand les douleurs du patient augmentent après une séance, et c’est le signe qu’il faut le laisser de côté pendant quelques temps, voire même l’abandonner définitivement.
Si le Traitement d’une Blessure / Douleur, était une une Équation, quelles variables y entreraient ?
Premièrement la qualité Q de l’exercice c’est-à-dire son adéquation avec le cas clinique et la condition du patient, son âge etc. C’est bien sur LE paramètre essentiel et il dépend du thérapeute. Un exercice thérapeutique est comme un médicament, s’il est inadapté il causera du tors même à faible dose. Paradoxalement, les exercices réellement thérapeutiques ne sont pas légion et sont souvent méconnus, noyés au milieu de la multitude des autres qui n’ont qu’un effet indirect : les études montrent par exemple que tous les exercices globaux low impact d’intensité modérés qui ne sollicitent pas la zone douloureuse sont bénéfiques de même que les exercices « cardio » qui augmentent la circulation sanguine dans la zone blessée (vélo stationnaire elliptique, marche, natation etc) mais ce n’est absolument pas à ce genre d’exercices, aux effets limités, auquel je fais allusion, mais je développerai ça dans un article ultérieur. Le programme sera personnalisé et les exercices soit régressés (si trop difficiles) soit progressés pour coller au plus près à sa condition du patient à l’instant donné et lui fournir un objectif atteignable.
Ensuite le temps t consacré à la réhabilitation et la conscience somatique Cs du patient, c’est-à-dire sa capacité à observer ses sensations internes, connaitre son corps, doser l’intensité de son effort et donner un feedback de qualité au soignant (ou à se corriger lui-même s’il pratique seul). Si le feedback est trop imprécis le thérapeute ne pourra pas bien adapter l’exercice. La pratique est souvent différente de la théorie et la thérapie est un art qui comporte une part d’empirisme, toute guérison est un problème unique et complexe demandant du temps et un processus d’essai et d’erreur, pour aboutir à un résultat optimal. Par exemple, un sportif de haut niveau ou un artiste de cirque ayant une conscience de son corps très bien développé peut parfois se guérir de blessures, invalidantes pour la pluspart des gens. J’ai cité dans une de mes vidéos YT l’acrobate russe Dikul qui est parvenu à remarcher après une paraplégie de plusieurs années.
Rehab = Q x t x Cs
Q= qualité de l’exercice
t= temps
Cs= conscience somatique du patient
Si en fin de réhabilitation la mobilité et la force de la zone blessée sont toujours en deçà de ce qu’elles étaient avant la blessure on parlera de réhabilitation partielle. C’est la plus commune.
Le deuxième cas, nettement plus rare, est la récupération à 100%,. C’est que visent particulièrement les athlètes. Pour un footballeur professionnel par exemple une perte de 5% au niveau de la force d’un de ses ischios est dramatique car ses performances vont désormais plafonner, Il pourra rester dans le circuit quelques années, mais sa carrière va amorcer une pente douce s’il ne grignote pas ces quelques % restant. Par conséquent les athlètes sont prêts à s’investir beaucoup plus de temps et d’énergie
que Monsieur tout le monde dans leur réhabilitation , ils ont aussi une tolérance plus grande à la douleur.
La Résilience : Revenir plus Fort et sans Douleurs après une Blessure
Enfin le troisième cas, exceptionnel, est celui de la RÉSILIENCE C’est-à-dire terminer sa réhabilitation plus fort et antifragile qu’avant la blessure. Ce succès n’est possible qu’avec excellent thérapeute et un patient hyper motivé, car même en étant bien entouré il faut faire le chemin tout seul. C’est donc la réussite d’un tandem qui implique une relation de confiance.
Le sport de haut niveau y arrive plus fréquemment grâce à l’injection d’hormones de croissance, d’acides aminés ou de cellules souches qui sont des aides précieuses mais comportent des risques. Il est bien entendu plus long et plus compliqué d’atteindre la résilience à 60 ans qu’à 25 ans ou la réparation des tissus se fait de façon optimale. L’antifragilité se traduit aussi par une moindre probabilité de récidives, car désormais le patient a appris à développer de meilleurs schémas moteurs. Comme le soulignait Vladimir Janda :
« La coordination de l’activation musculaire est plus importante que la force pure dans la prévention des blessures. »
Le patient a aussi appris à protéger ses articulations en développant des muscles periarticulaires et stabilisateurs lui permettant de mieux contrôler des mouvements en particulier en fin d’amplitude articulaire là ou l’articulation est la plus vulnérable. Idéalement, des qualités spécifiques seront développées en fin de réhabilitation: outre la force, la mobilité et la puissance on s’intéressera à l’élasticité (pliability) qui est une qualité très utile dans les sports de contact ou l’absorbions des chocs est essentielle. Elle est cependant tout aussi utile au senior en lui permettant de se réceptionner avec souplesse lors d’une chute.
L’exposition progressive à des mouvements non idéaux voire en décentrage articulaire sera l’ultime étape, quand les douleurs auront disparues.
En effet, pour le mal du dos par exemple, comment peut-on limiter les risques de récidives si on entraîne toujours le patient qu’à soulever des poids avec un dos parfaitement droit et une position symétrique : pieds alignés et charge près du centre de gravité. La plupart des mouvements de la vie courante ne suivent pas ce schéma : par exemple un employé de crèmerie doit saisir des meules de fromages en bout de comptoir qui pèsent parfois 10 kilos. Il ne peut pas tenir la charge près de son centre de gravité à cause du comptoir, et doit fléchir le bas du dos pour les atteindre. Il y a beaucoup de mouvement de ce type, comme charger des packs d’eau minérale dans un caddie. Il faut donc conditionner progressivement le patient à des mouvements potentiellement dangereux car similaires à celui qui a occasionné la blessure, en renforçant les fascias et ses ligaments, les forçant à s’adapter et s’épaissir pour tolérer des contraintes accrues. Evidemment il convient de commencer avec des charges faibles, choisir un bon timing de progression et surtout savoir quand faire marche arrière car l’adaptation tissulaire n’est pas un processus linéaire. Bien évidement cette ultime phase ne peut être proposée à tout le monde, car elle demande un investissement considérable en temps et énergie et comporte aussi des risques que le patient doit accepter.
Arsenal thérapeutiques
– Principe de surcharge progressive graduée
– Mobilisations
– Excentrique
– Isométrique
– Centration articulaire
– Stabilisation neuromusculaire dynamique
– Renforcement musculaire (muscles stabilisateurs notamment)
– Création de nouveaux schémas moteurs (remodelage neurologique)
– Étirements balistiques
– Étirements en charge
– Défibrillation du tissu cicatriciel et des fascias. (massage profond, myofascial release, triggerpoints)
– Prise de suppléments (acides aminés, gélatine etc)
– Nutrition, sommeil, hydratation
– Renforcement en fin d’amplitude articulaire, désalignement, déséquilibre ou asymétrie posturale, introduction de facteurs de variabilité (chaos training)
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