Nous ne bougeons pas assez

Soyons honnêtes, notre mode de vie moderne manque terriblement de mouvement, tant en quantité qu’en qualité. Une heure de sport le soir à la salle ne peut malheureusement pas compenser cette lacune, même si c’est mieux que rien. D’ailleurs, l’exercice est plus bénéfique le matin que le soir. Des études montrent que, pour optimiser sa santé, l’activité devrait être répartie tout au long de la journée sous la forme de « micro-workouts » d’une dizaine de minutes. Ces entraînements devraient être intenses, mais pas épuisants, afin qu’on puisse les pratiquer plusieurs fois par jour. Ce mouvement constant est important sur le plan musculosquelettique, mais surtout pour la santé cardiovasculaire et lymphatique.

Le mouvement est-il assimilable à de la gymnastique ?

Depuis une quinzaine d’années, on entend les adeptes de la « movement culture » clamer que bouger est en soi une thérapie, voire l’unique thérapie. La question est de s’entendre sur ce qu’ils veulent dire par « bouger ». S’agit-il de marcher, de se déplacer toute la journée comme le font les chasseurs-cueilleurs, ou de réaliser des acrobaties de plus en plus complexes (handstands, lizard crawl, muscle-ups), bref, de devenir tous des gymnastes ? Ou encore, s’agit-il simplement de changer fréquemment de position ? L’individu lambda de 50 ans n’a pas forcément la vocation, ni la capacité, à se transformer en artiste de cirque (avec les risques associés), simplement pour entretenir sa santé.

Le problème, c’est que pour bien bouger, il faut déjà avoir développé des qualités rares comme la coordination, la mobilité, l’équilibre et l’alignement, sans quoi bouger n’aura pas nécessairement les bénéfices escomptés. Les gens veulent courir alors qu’ils ne savent même pas marcher avec souplesse ni rester debout sans tension. Reprenons tout à zéro : travaillons notre posture, puis des mouvements simples, pour évoluer petit à petit vers des schémas de mouvements de plus en plus complexes.

Ceux qui bougent le mieux sont probablement les danseurs et les adeptes d’arts martiaux. Ils ont patiemment développé leur corps en pratiquant, parfois pendant 10 ans, des exercices souvent ingrats. Ce sont eux qui ont la plus grande polyvalence en matière de schémas moteurs et de capacité/variabilité de mouvements. Ce sont eux qui sont les maîtres du mouvement.

Le mouvement « naturel » peux-t’il se substituer à la kiné / rééducation ?

C’est poser la mauvaise question. L’activité fonctionnelle permet de limiter les risques de développer, par exemple, des hernies discales ou de l’ostéoporose. Dans ce cas, bouger un peu toutes les 45 minutes réduit les risques. Cependant, lorsque la pathologie est déclarée, le simple fait de bouger davantage (monter des volées d’escalier, nager, faire du vélo, courir) ne constituera pas une thérapie capable de vous guérir ni, a fortiori, de vous ramener au sommet de votre santé ostéo-articulaire. Ce serait trop simple. Par exemple, nager vous guérira-t-il en cas de conflit d’épaule ? Enchaîner les volées d’escalier renforcera-t-il vos genoux usés ? On est en droit d’en douter.

Il faut désormais travailler sur la qualité de ses mouvements, sur ses restrictions et sa posture avec un spécialiste (kiné, spécialiste en biomécanique, coach spécialisé, professeur de danse), en adressant chacune de ses lacunes et de ses pathologies spécifiques. Ces éléments, souvent inconscients, nécessitent un regard extérieur.

Même si on manque encore d’informations à ce sujet, je suis convaincu que ce n’est pas seulement le style de vie des chasseurs-cueilleurs qui les protège contre les blessures. Ils doivent avoir, comme nous, leurs « medicine men » connaissant des techniques élémentaires pour les réhabiliter des blessures inhérentes à leur mode de vie, tout comme nos rebouteux des campagnes. De plus, les individus les moins dotés génétiquement ont peut-être tout simplement été éliminés par l’évolution.

Le seul mouvement véritablement thérapeutique à 100 %, c’est la marche, car elle est l’activité centrale de l’homme. Elle impacte tous les marqueurs de santé. Par conséquent, marcher peut être considéré comme une thérapie en soi. La marche nordique et la quadrupédie rentrent aussi dans cette catégorie.

Les adeptes de la « movement culture » prétendent, par exemple, que se suspendre comme les primates règle 95 % des maux d’épaule. En effet, on devrait se suspendre davantage. Mais beaucoup de personnes ressentent un tiraillement lombaire dans cette position en raison d’un manque de flexion d’épaule. La brachiation (le fait de se suspendre) ne constitue donc nullement une panacée pour la majorité des personnes souffrant de dysfonctions à l’épaule, à cause de leur mobilité médiocre.

Motion is lotion (le mouvement lubrifie)

Comme je l’ai expliqué dans mon livre « Comment j’ai vaincu mon mal de dos », retourner le plus tôt possible à l’activité après une blessure, malgré la douleur, permet de rassurer le cerveau et d’éviter d’alimenter les boucles nociceptives. Bouger est important en prévention et en post-crise, mais la vraie réhabilitation implique d’optimiser ses schémas moteurs et d’être patient et persévérant. Bouger (comme on le faisait avant la blessure) ne vous rendra pas plus résilient. Il faudra apprendre à bouger mieux.

Je me situe évidemment dans un contexte de blessure provoquée par de mauvais schémas moteurs ou une surcharge, et non par une blessure traumatique dans un sport de contact ou un accident.

Bouger sans mouvement

En outre, l’immobilité « dynamique », telle qu’elle est enseignée dans les postures du Qigong (zhan zhuang et Yi Chuan), constitue paradoxalement un excellent moyen de réhabiliter et de renforcer le dos ! En résumé, c’est le mouvement (ou l’immobilité) conscients et fonctionnels qui importent, ainsi que la variété et la qualité des mouvements. L’aspect ludique est également crucial, car c’est ainsi que nous apprenons le mieux, bien plus que par la quantité seule.

La biomécanique est reine dans le mouvement

L’aspect biomécanique importe énormément dans l’activité physique fonctionnelle, quoi qu’en disent les partisans du modèle psycho-bio-social. Même s’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise posture, ni de bon ou de mauvais mouvement basés uniquement sur des critères externes (rectitude corporelle, esthétique), les angles de mouvements, l’ordre d’activation musculaire, la réduction des tensions parasites et l’efficacité des gestes sont essentiels. On n’appuie pas impunément pendant des années sur l’accélérateur et le frein en même temps, et on ne tire pas au canon depuis une barque.

En résumé, « la solution, c’est le mouvement » doit être nuancée. Tous les mouvements ne se valent pas. Et, contrairement à ce que certains affirment, il y a pire que de ne rien faire. Proposer à une senior de plus de 40 ans de faire des squats lourds pour lutter contre l’ostéoporose et la sarcopénie, tout en l’exposant au risque éventuel de devenir invalide à cause d’une hernie discale, est-ce raisonnable ? Pourtant, de plus en plus d’influenceurs n’hésitent pas à franchir le pas.

En résumé « la solution c’est le mouvement » doit être nuancée. Tous les mouvements ne se valent pas et contrairement à ce que certains affirment il y a pire que de ne rien faire. Toujours comparer le bénéfice au risque. Proposer à une senior de plus de 40 ans de faire des squats lourds pour lutter contre l’osteoporose et la sarcopénie tout en l’exposant au risque éventuel de devenir un invalide, incapable de se déplacer à cause d’une hernie discale, est-ce bien raisonnable ? Pourtant de plus en plus d’influenceurs n’hésitent pas à franchir le pas.


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